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28 mai 2009 4 28 /05 /mai /2009 00:19
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Né en 1957, dans une famille intellectuelle du Caire (son père Abbas Al-Aswany était écrivain), ayant fait ses études dans un lycée égyptien de langue française et étudié  la chirurgie dentaire aux États-Unis, à l'Université de l'Illinois à Chicago, Alaa Al-Aswany était intellectuellement bien préparé à figurer parmi les membres de l’opposition. Il contribue régulièrement aux journaux d'opposition et est proche des intellectuels de gauche, en particulier de Sonallah Ibrahim. Il se dit indépendant des partis politiques mais est l'un des membres fondateurs du mouvement d'opposition «Kifaya» (Ça suffit) qui réclame des élections présidentielles réellement libres (chose inimaginable dans les pays arabes).

En 2002, l’’étonnant succès de L’Immeuble Yacoubian (le livre a été un véritable phénomène d'édition dans le monde arabe et il fut rapidement traduit dans une vingtaine de langues, en plus de faire l'objet d'une adaptation cinématographique par Marwan Hamed en 2006) a fait de son auteur un intouchable. Son premier roman, lui, avait connu, dix ans plus tôt, un destin moins enviable. Dentiste de formation, Al-Aswany s’était vite rendu compte que les dents de ses patients ne lui étaient pas un horizon suffisant. Il s’était donc mis en tête de manier le stylo en plus de la fraise. Mais c’était sans compter avec le puissant et tatillon Office du livre, passage obligatoire avant toute publication en Égypte. Les écrivains connus ne rencontraient pas de problèmes. Ceux qui jouissaient d’un appui officiel non plus. Les autres éprouvaient les pires ennuis.

Al-Aswany fut de ces derniers avec son premier et bref roman intitulé Celui qui s’est approché et qui a vu, sorte d’autobiographie de jeunesse dans laquelle l’auteur n’y allait pas par quatre chemins pour décrire ce qu’il avait effectivement vu de la société égyptienne.

Décidé à obtenir l’autorisation de publication, il fut d’abord obligé de signer une décharge dans laquelle il se déclarait en opposition avec les opinions de son narrateur. On lui imposa ensuite de supprimer les deux premiers chapitres de son récit, les plus critiques. Il refusa et renonça à la publication. Jusqu’en 2004. Fort du succès mondial de L’Immeuble Yacoubian, il réussit à faire publier son premier texte par l’Université américaine du Caire, précédé d’une préface explicative et lumineuse sur la difficulté d’écrire de la fiction dans une société officiellement momifiée.

Accompagnés de quelques nouvelles, ces deux textes paraissent en 2006 en traduction française. L’auteur y évoque les premières projections du cinématographe au Caire. Il fallait, avant la séance, montrer au spectateur que la locomotive surgissant sur la toile n’était qu’une image, un reflet de la réalité, au risque sinon de provoquer une panique. «Certains lecteurs continuent malheureusement à faire de nos jours dans la littérature le même amalgame entre ce qui est imaginaire et ce qui est réel», remarque-t-il. Mais ces lecteurs ont des circonstances atténuantes, puisque la littérature leur confère le pouvoir de l’imagination et qu’elle est essentiellement l’art de la vie.

Fort de cette distanciation entre l’écrivain et son écrit, entre la vie de la fiction et la réalité de la vie, Al-Aswany ne se prive pas, dans ce premier manuscrit refusé, de dire ce qu’il pense de son pays, à travers son narrateur: «Par quoi donc se distinguent les égyptiens? Quels sont leurs mérites? Je défie qui que ce soit de me citer une seule vertu égyptienne. La lâcheté, l’hypocrisie, la méchanceté, la servilité, la paresse, la malveillance, voilà les qualités des égyptiens et c’est parce que nous connaissons notre vraie nature que nous l’occultons derrière des clameurs et des mensonges, des slogans ronflants et creux que nous ressassons jour et nuit sur notre "sublime"  peuple égyptien.» Le ton est donné, excessif, à coup sûr, à dessein, sans aucun doute. De même, lorsque l’écrivain met en exergue avec une ironie cinglante cette phrase d’un militant nationaliste égyptien du XIXe siècle qui donne son titre au livre: «Si je n’étais pas né égyptien, j’aurais voulu être égyptien». Ces mots sont, fait-il dire à son narrateur, «ce que j’ai entendu de plus inepte de toute ma vie». L’Égyptien El Aswany se condamne-t-il ainsi à une impasse particulièrement désespérante? À moins que, sans se l’avouer encore, il ait découvert que la meilleure façon d’être égyptien aujourd’hui est d’entrer en rébellion élevée au niveau d’un art, celui de l’écriture.

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commentaires

M
C'est un article fort instructif!<br /> Merci pour la peine!
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S
Très bon article!
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H
Intéressant!<br /> Et le ton est particulier...!
Répondre
D
Un bel article..
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